Mali. De nouveaux témoignages révèlent l’horreur de la répression sanglante des manifestations

AMNESTY INTERNATIONAL

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

AILRC-FR

Mali. De nouveaux témoignages révèlent l’horreur de la répression sanglante des manifestations

· Les forces de sécurité ont tiré à balles réelles sur les manifestant·e·s, tuant une dizaine de ces personnes

· Des gardes du corps du président de la Cour Constitutionnelle ont été identifiés par des témoins comme faisant partie des tireurs

· La participation d’une unité spéciale antiterroriste du gouvernement doit faire l’objet d’une enquête.

De nombreux témoins des coups de feu tirés sur des manifestant·e·s au Mali le mois dernier ont indiqué à Amnesty International avoir clairement identifié certains des auteurs de ces tirs comme étant des gardes du corps de Manassa Danioko, le président de la Cour constitutionnelle.

Ces manifestations qui ont eu lieu entre le 10 et le 12 juillet ont été organisées par le Mouvement du 5 Juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP), qui proteste contre la mauvaise gouvernance et la fraude électorale au Mali depuis le 5 juin, et appelle à la démission du président Ibrahim Boubacar Keita. Les manifestations, qui ont coïncidé avec l’appel à la désobéissance civile lancé par le M5-RFP, ont été violemment réprimées à Bamako, la capitale du pays ; 11 manifestant·e·s et passant·e·s au moins ont été tués, et plusieurs dizaines de personnes ont été blessées.

« Les rumeurs concernant l’arrestation du dirigeant du M5-RFP, l’imam Mahmoud Dicko, ont conduit le 11 juillet à la mobilisation de manifestants et d’habitants du quartier de Badalabougou. Certains d’entre eux se sont dirigés vers la maison de Manassa Danioko, non loin de la résidence de l’imam Mahmoud Dicko, a déclaré Ousmane Diallo, chercheur sur l’Afrique de l’Ouest à Amnesty International.

« Des agents de sécurité et des policiers ont alors tiré à balles réelles sur les manifestants, tuant quatre personnes lors de cet épisode. Une enquête équitable et impartiale doit être ouverte de toute urgence sur ces morts, et les responsables doivent être déférés à la justice. »

Des récits terrifiants des violences commises par la police

Amnesty International a interrogé 41 personnes, notamment des témoins des violences, des manifestants qui ont été blessés, des journalistes, des dirigeants de l’opposition et des agents de l’État. Des témoins et des proches de victimes ont raconté les terribles violences perpétrées

par des policiers dans les quartiers de Badalabougou et de Sogoninko, où des mouvements de protestation ont eu lieu le 11 juillet, et fait état de la responsabilité de gardes du corps du président de la Cour constitutionnelle concernant la mort de manifestants à Badalabougou.

L’organisation a également réuni des photos et des vidéos à titre de preuve des blessures subies par des manifestants et montrant les impacts de balles sur des bâtiments civils et des affrontements entre des manifestants et les forces de sécurité, ces éléments de preuve concordant tous avec les témoignages recueillis.

Plusieurs personnes ont été tuées alors qu’elles ne participaient pas aux manifestations

Plusieurs des personnes tuées pendant les trois jours de répression ne participaient pas aux manifestations. Fayçal Cissé, 25 ans, a été la première victime du recours à la force meurtrière. Il s’agit d’un ancien étudiant de madrassa qui ne participait pas aux manifestations et qui se trouvait dans une mosquée située à 300 mètres environ de l’Assemblée nationale.

Un proche de cet homme a dit à Amnesty International qu’il a été touché par une balle tirée depuis l’Assemblée nationale, alors qu’il se trouvait entre la zone des ablutions et la salle de prière. Il est tombé dans la cour de la mosquée et est mort des suites de ses blessures.

Un manifestant âgé de 37 ans a raconté à Amnesty International que les protestataires ont été chassés des bâtiments de la radio et de la télévision publiques par les forces de sécurité, qui ont battu et blessé un grand nombre d’entre eux, y compris des femmes, les frappant à coups de bâton sur la tête et sur les bras. Les forces de sécurité ont dispersé les manifestants et tiré à balles réelles sur eux, tuant une personne non loin de l’Assemblée nationale.

Parmi les personnes tuées figure Halidou Bouaré, 21 ans. Comme Sidi Mohamed Doumbia, Halidou Bouaré était au travail quand il a été touché par une balle tirée par les forces de sécurité.

L’un de ses proches, qui a été témoin des faits alors qu’il se trouvait devant sa maison, a dit à Amnesty International :

« Halidou Bouaré a été touché alors qu’il se trouvait à la station de lavage de voiture, où il travaillait. Il ne manifestait pas, mais comme il se trouvait à proximité, il a été touché par deux balles, qui l’ont atteint l’une à l’estomac et l’autre à l’épaule, alors qu’il faisait son travail. Il a perdu connaissance pendant que je le transportais à l’hôpital. Le sang coulait abondamment de sa bouche. Il est mort à l’hôpital peu après notre arrivée. »

Les violences se sont intensifiées les 11 et 12 juillet

Les violences se sont intensifiées les 11 et 12 juillet, à la suite d’informations indiquant que les forces de sécurité voulaient arrêter l’imam Mahmoud Dicko, après avoir arrêté plusieurs autres dirigeants du M5-RFP.

Amnesty International a interrogé plusieurs témoins qui ont identifié des gardes du corps de Manassa Danioko, le président de la Cour constitutionnelle, comme faisant partie des auteurs