Les contrats de Palantir Technologies soulèvent des préoccupations en matière de droits humains en amont de l’introduction en bourse directe à Wall Street de cette entreprise

AMNESTY INTERNATIONAL ÉTATS-UNIS

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

AILRC-FR

28 septembre 2020

Les contrats de Palantir Technologies soulèvent des préoccupations en matière de droits humains en amont de l’introduction en bourse directe à Wall Street
de cette entreprise

En amont de l’introduction en bourse directe de l’entreprise Palantir Technologies à Wall Street le 29 septembre, Amnesty International a rendu public le 28 septembre un nouveau rapport intitulé Failing to Do Right: The Urgent Need for Palantir to Respect Human Rights, dans lequel l’organisation indique que Palantir n’applique pas la diligence requise en matière de droits humains en ce qui concerne ses contrats avec l’Immigration and Customs Enforcement (ICE, Service de l’immigration et des douanes du ministère de la Sécurité Intérieure des États-Unis), et qu’il est fort possible que Palantir contribue à des violations des droits humains des personnes migrantes ou demandeuses d’asile en raison de la façon dont la technologie de cette entreprise facilite les opérations de l’ICE.

Michael Kleinman, directeur de l’Initiative Silicon Valley d’Amnesty International, a déclaré :

« Palantir vante ses engagements en matière d’éthique en disant qu’elle ne travaillera jamais pour des régimes qui commettent des atteintes aux droits humains à l’étranger. Ces propos sont d’une triste ironie, compte tenu de la volonté de cette entreprise de travailler directement, aux États-Unis, avec l’ICE, qui utilise sa technologie pour appliquer des politiques nuisibles visant les personnes migrantes ou demandeuses d’asile.

« Nous pourrions fermer les yeux et feindre de penser que malgré toutes les preuves du contraire, Palantir est une entreprise qui respecte les droits fondamentaux, mais nous pouvons aussi appeler un chat un chat : Palantir fait partie des entreprises qui placent le profit au-dessus des personnes, quel qu’en soit le coût humain. »

Le 10 septembre, Amnesty International a envoyé à Palantir une lettre exposant ses motifs de préoccupation au sujet des contrats passés avec le ministère de la Sécurité Intérieure des États-Unis (DHS) portant sur la fourniture de produits et de services destinés à l’ICE. En réaction à ce courrier, Palantir a souligné que ces contrats n’ont été passés qu’avec la division des enquêtes criminelles de l’ICE, appelée Homeland Security Investigations (HSI), et qu’en conséquence ses logiciels « ne facilitent pas » les opérations de l’unité de l’ICE chargée des opérations de maintien de l’ordre et d’expulsion (l’Enforcement and Removal Operations, ERO). Ces affirmations ne concordent toutefois pas avec les éléments de preuve indiquant que la technologie de Palantir a effectivement été utilisée dans ce cadre, notamment les informations enregistrées par le gouvernement étasunien que l’entreprise conteste à présent.

Au lieu de remédier de façon significative aux dangers que représentent pour les droits humains les contrats qu’elle a passés avec l’ICE, Palantir cherche à esquiver et à minimiser sa responsabilité. De plus, l’entreprise n’a pas fourni la preuve des mesures de diligence requise qu’elle aurait dû prendre pour empêcher que sa technologie ne soit utilisée pour faciliter des violations des droits humains commises par l’ICE.

En 2017, l’ICE a utilisé la technologie de Palantir pour arrêter  des parents de mineurs non accompagnés et des personnes s’occupant d’eux, ce qui a donné lieu à des placements en détention et porté atteinte au bien-être d’enfants. De même, l’ICE a utilisé la technologie de Palantir pour planifier des opérations massives, comme les raids menés par l’ICE dans le Mississippi en août 2019, à l’issue desquels des enfants ont été séparés de leurs parents et de personnes qui s’occupaient d’eux, causant ainsi des préjudices irréparables au sein des familles et des communautés concernées. Ces opérations ont abouti à des détentions prolongées et à des expulsions.

Les systèmes ICM et FALCON de Palantir ont facilité ces agissements en permettant au DHS et à l’ICE d’identifier et de pister des personnes migrantes ou demandeuses d’asile, de partager des informations et d’enquêter à leur sujet pour procéder à des arrestations et effectuer des descentes sur leurs lieux de travail.

La transparence est un élément essentiel de la diligence requise et en ne donnant pas d’informations précises sur les mesures qu’elle prend pour remédier aux graves dangers que font peser sur les droits humains les contrats qu’elle a passés avec l’ICE, Palantir ne s’acquitte pas de sa responsabilité de respecter les droits humains. Amnesty International demande à cette entreprise de prendre les mesures nécessaires pour empêcher que sa technologie ne soit utilisée pour faciliter des violations des droits humains. Palantir doit immédiatement exercer la diligence requise en matière de droits humains et prendre des mesures efficaces pour que sa technologie ne puisse pas contribuer à des atteintes aux droits fondamentaux des personnes migrantes ou demandeuses d’asile perpétrées par le gouvernement des États-Unis.

Cette diligence requise oblige notamment Palantir à publier des informations précises sur la technologie qu’elle a fournie à l’ICE avec ces contrats, et sur les garanties qu’elle a mises en place en matière de droits humains. Tant que Palantir ne pourra pas démontrer que sa technologie ne contribue pas à des atteintes aux droits fondamentaux des personnes migrantes ou demandeuses d’asile et tant qu’elle ne pourra pas garantir que sa technologie n’est pas utilisée à de telles fins, l’entreprise doit de toute urgence envisager de suspendre toutes les activités visant à fournir au DHS et à l’ICE des produits et des services facilitant les opérations en matière d’immigration.

Amnesty International demande également au Congrès des États-Unis d’examiner de façon approfondie les contrats passés par Palantir avec des services du gouvernement étasunien, notamment le DHS et le ministère de la Santé et des Services à la personne (HHS).

Complément d’information et contexte

Les recherches menées par Amnesty International ont permis de rassembler des informations sur les violations des droits humains commises contre des personnes migrantes ou demandeuses d’asile par le DHS et l’ICE, avec des restrictions punitives apportées à l’accès à l’asile, la séparation illégale de familles, des placements en détention obligatoires et pour une durée indéterminée, y compris pour des enfants, le renvoi de personnes dans des pays où elles risquent de subir de graves violations des droits humains, et des politiques illégales autorisant des expulsions.

L’utilisation par l’ICE de la technologie de Palantir pour la mise en œuvre de politiques néfastes contre les personnes migrantes ou demandeuses d’asile a conduit l’organisation de défense des droits humains à faire part à cette entreprise de ses préoccupations.

Les systèmes ICM et FALCON de Palantir ont facilité ces agissements en permettant au DHS et à l’ICE d’identifier et de pister des personnes migrantes ou demandeuses d’asile, de partager des informations et d’enquêter à leur sujet pour procéder à des arrestations et effectuer des descentes sur leurs lieux de travail, ce qui a conduit à la séparation de familles, à des placements en détention et à des expulsions.

Ce rapport se focalise sur Palantir, mais toutes les entreprises ont la responsabilité de respecter les droits humains dans toutes leurs activités. L’examen permettant de vérifier si une entreprise s’acquitte de sa responsabilité de respecter les droits humains se fait au cas par cas, en tenant compte de l’entreprise, de la nature de ses activités, et de l’environnement dans lequel elle les exerce.

En révélant que Palantir n’applique pas la diligence requise en matière de droits humains en ce qui concerne les contrats passés avec le DHS et l’ICE pour les systèmes ICM et FALCON, nous voulons aussi rappeler à toutes les entreprises qu’elles doivent exercer la diligence requise en matière de droits humains dans le cadre de leurs activités avec le DHS et l’ICE.

Contact médias : Mariya Parodi, [email protected]